FF10, le deuil



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La conclusion du dossier Final Fantasy IX, la mélodie de la vie faisait référence à Sakaguchi Hironobu et son héritage. Dans Final Fantasy X, Sakaguchi-sama n'a été que producteur délégué, il n'a donc participé activement ni à l'idée originale ni au développement du jeu. Il était dans l'ombre et aidait l'équipe comme l'a fait Auron auprès du groupe d'aventurier du dixième épisode. Comme "mort" mais conduisant le reste de l'équipe vers l'accomplissement. Quant à Tidus, il représente le joueur, il découvre ce nouvel univers accompagné de cette figure connue venant de l'ancien monde.

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FF9 nous expliquait qu'il ne fallait pas prendre la mort uniquement pour sa fatalité. Qu'il fallait pleinement vivre sa vie pour ne rien avoir à regretter. Le jeu se terminait tout de même par une destruction totale des planètes Héra et Terra. Celle de la vision de son auteur. FF10 doit alors nous apprendre à continuer malgré ce décès, malgré cette fin. Et c'est d'ailleurs l'un des thèmes centraux du jeu : la spirale de la mort et la façon dont chacun vit ou réagit face à cela.


On découvre alors cinq personnages qui vivent, chacun à leur manière, dans ce monde centré autour de la mort. La psychiatre Elisabeth Kübler-Ross a élaboré dans son ouvrage On Death and Dying (traduit sous le titre Les derniers instants de la vie) publié en 1969 un modèle de processus psychologique en cinq étapes sur son étude de cas d'environ 200 patients atteint de maladies mortelles. Cette étude a ensuite été utilisée pour s'appliquer aux étapes que l'Humain rencontre lors d'un deuil.

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Il est intéressant de noter qu'on puisse assez facilement associer à chacun des personnages de FFX une des étapes décrites par Kübler-Ross. Nous allons passer en revue les différents personnages et leur vécu et voir de quelle manière ils illustrent les différentes étapes du deuil.



Le déni

Ayant perdu leurs parents à cause de Sin sans aucun souvenir d'eux, Wakka et son frère cadet Chappu, ont grandi sur l'île de Besaid. Les gentils villageois de l'île ont pris soin d'eux et leur ont inculqué les préceptes de Yevon. Wakka en a développé une adoration fervente et en a fait son mode de vie. Il pense réellement que si les gens suivent les préceptes, leurs péchés seront expiés et un jour, Sin disparaîtra.

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Après avoir déclaré son amour à Lulu, et par besoin de la protéger, Chappu s'enrôle dans l'armée des Banisseurs. Il renie alors les préceptes de Yevon ainsi que l'épée que Wakka lui avait offert, au profit d'une arme machina Al Bhed pourtant prohibée. Il perdra la vie en combattant Sin à Djose. Wakka gardera une forte rancune personnelle contre le peuple Al Bhed, pour avoir poussé son frère a renié l'église. Cela va également renforcer sa croyance et ses peurs. Si on ne suit pas les règles établies, nous serons punis.


En rencontrant Tidus, Wakka le prendra sous son aile, comme il l'aurait fait avec son frère, en déni de la mort de ce dernier allant d'ailleurs jusqu'à lui offrir la fameuse épée abandonnée. Au cours de l'aventure, on se rendra compte que Wakka se voile la face vis-à-vis de ce que représentent réellement Sin et Yevon. Il refuse d'accepter la réalité et cherchera toujours une excuse pour rester dans sa logique rassurante, fuyant tout ce qui n'est pas autorisé par l'église. C'est grâce à de nouvelles rencontres et expériences qu'il commencera à ouvrir les yeux.



La colère

Après que Sin ait tué ses parents alors qu'elle n'avait que 5 ans, Lulu grandit au village de Besaid. Elle entretient une relation amoureuse avec Chappu, qui a envisagé de la demander en mariage avant de partir sur le champ de bataille. Avant de le devenir pour Yuna, Lulu avait été également le gardien de deux autres invocateurs, dont les pèlerinages se sont dramatiquement terminés avant d'atteindre Zanarkand.

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Avec la perte de sa famille, de son fiancé et de ses invocateurs, Lulu ressent une immense colère contre son incapacité à protéger ceux qu'elle aime. Cette état l'empêche d'avancer personnellement et la laisse bloquée dans son attitude froide. L'évolution de sa relation avec Tidus et le pèlerinage de Yuna l'aideront à franchir cette étape et d'accepter sa véritable force. Ainsi que de s'ouvrir vers un nouvel amour avec Wakka.



Le marchandage

Pendant son enfance, Rikku a perdu sa mère à cause d'une machine défectueuse. Elle est également astraphobe depuis que Frangin, son frère, en essayant de la protéger d'un monstre, la toucha de son sort Foudre par erreur.

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Rikku étant une Al Bhed, elle est obligée de vivre en marge de la société. Utilisant les machines proscrites par Yevon et refusant d'accepter la fatalité que représente Sin. Elle cherche un moyen d'empêcher les invocateurs de continuer leur pèlerinage en les kidnappant. Elle usera alors de tous les stratagèmes possibles afin de trouver une solution alternative. Elle se rendra vite compte que ces alternatives, ces négociations, ne sont pas des solutions viables sur le long terme et elle dépassera alors cette phase pour aider Yuna dans son cheminement. A noter qu'elle possède la compétence Corruption qui est assez utile dans un sens pour marchander...



La dépression

Tous les jeunes Ronsos visent à être les plus forts de la tribu sur le mont Gagazet, et Kimahri a passé sa jeunesse à essayer de faire de même. Il s'entraînait jour après jour au milieu de la nature sauvage et rude, essayant de devenir un brave guerrier capable de diriger la tribu et de protéger la montagne.

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Le physique de Kimahri a toujours été inférieur à celui de ses pairs, car parmi les Ronsos, il était encore plus petit que les femmes de son âge. Ayant grandis en admirant la montagne et la rudesse du climat qui la caractérise, les Ronsos aiment les puissants. Dès son plus jeune âge, Kimahri a été victime d'harcèlement et d'intimidation et ce, même après que sa corne d'adulte ait grandi.


Biran était fier d'être le plus grand des jeunes Ronsos et était considéré comme le guerrier le plus courageux du peuple Ronso. Bien que Kimahri n'ait jamais pu battre Biran, il n'a jamais admis sa défaite. Irrité par l'esprit combatif de Kimahri, Biran lui brisa la moitié de sa corne. Déshonoré, Kimahri ne pouvait plus assumer le devoir de protéger Gagazet et s'enfuit du village, n'étant plus que l'ombre de lui même. Sans voix et sans honneur, il sera rongé par des sentiments de regrets, en dépression. Il sortira de cette phase en trouvant un nouvel objectif, celui de réaliser le souhait d'Auron : accompagner la jeune Yuna et la protéger coûte que coûte. Il finira par retourner à son village pour affronter ses démons intérieurs et enfin battre Biran et Yenke lui permettant d'enfin retrouver son honneur et d'être respecté par les membres de son peuple.



L'acceptation

Yuna est née à Bevelle d'un père Yevonite, Lord Braska, et d'une mère Al Bhed dont on ignore le nom. Yuna avait quatre ans lorsque sa mère est décédée d'une attaque de Sin. Sa mort a forgé la détermination de Braska à devenir un invocateur et à vaincre Sin. Yuna, alors âgée de sept ans, a été laissée à Bevelle lorsque Braska et ses deux gardiens, Auron et Jecht, sont partis en pèlerinage à Zanarkand. Braska, en obtenant la dernière Chimère, vainc Sin, périssant avec Jecht. Avant d'accomplir son ultime tâche et d'y laisser la vie, il avait demandé à Auron d'emener Yuna à Besaid après la défaite de Sin, pour s'assurer qu'elle mènerait une vie paisible (enfin paisible c'est vite dit car elle grandira sans ses deux parents). Malheureusement, ayant été mortellement blessé contre Yunalesca et donc incapable de remplir sa mission, Auron transmettra cette promesse à Kimahri.

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Yuna grandit donc avec Wakka, Lulu et Chappu. Marchant dans les pas de son père, elle se consacre alors tout entière à sa mission de devenir invocatrice et de débarasser le monde des affres de Sin. Yuna connait par avance la fin de son histoire et accepte son destin pour le bien de tous. Elle marche les épaules hautes malgré toutes les souffrances et malheurs autour d'elle. Elle profite de chaque instant et offre du réconfort à tout ceux qui en ont besoin. Le pèlerinage, initialement, est là pour continuer le cercle mortel. Celui de Yuna va s'avérer être différent de ces prédécesseurs grâce à la présence de Tidus qui refusera ce qui a toujours été accepté jusqu'alors.



Et Ensuite ?

D'une certaine façon, on peut ainsi dire qu'à la fin de l'histoire, Tidus arrive également à son étape du deuil, avec la rencontre avec son père. Guidé par Auron, il va prouver à lui même et aux autres qu'on peut outrepasser les épreuves, même les plus difficiles, et continuer à vivre. Lorsque Tidus comprend le rôle du Gardien et revoit son père, il finit par lui pardonner ses actions passées, tout comme le joueur pardonne le départ du créateur de la Saga Final Fantasy. Ce dernier se trouve, dans un sens, confronté à ses propres étapes du deuil des anciens épisodes et de l'héritage de Sakaguchi.

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Enfin, l'ensemble des protagonistes peuvent passer à la dernière étape, la reconstruction. Chacun de nos cinq héros ont réussi à franchir les étapes de leur propre deuil. De la même façon, les anciens joueurs, adeptes de l'époque Sakaguchi peuvent toujours rejouer avec ces jeux et ainsi rejoindre Auron/Sakaguchi avec Tidus lorsqu'il quitte Spira pour rejoindre son monde du passé. Quant aux autres, ils sortent la tête de l'eau comme notre héros à la toute fin du générique pour vivre la suite des aventures dans ce nouvel univers sans ce grand monsieur.

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Comme je le disais en introduction, FF9 nous a appris à accepter que la mort est inéluctable et qu'on devait profiter au maximum de chaque moment. FF10, quant à lui, nous a appris à continuer à vivre après avoir perdu quelque chose d'important et d'accepter le changement. FF11 nous a appris à nous ouvrir au monde et à tester de nouvelles saveurs. Cela fut les derniers épisodes, mouvementés, de Square.


Il est évident que je n'ai aucune preuve que les scénaristes de Final Fantasy X aient voulu intégrer des allusions aux travaux de Sakaguchi, de son départ, de la relève etc. Mais le thème de la mort est indéniable dans ce jeu. Il est clairement dans la trame de l'histoire. Chaque personnage de l'équipe a dû y faire face et affronter ces propres sentiments face au deuil et comment dépasser ce statut.

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FF10 est le dernier épisode solo de l'histoire de Squaresoft. Avant la fusion, avant le changement de stratégie, avant de penser aux suites et aux préquelles. Et ce qui est intéressant, c'est surtout là où Sakaguchi est allé pendant qu'on tentait d'apprendre à vivre les jeux Final Fantasy sans lui : les Créatures de l'Esprit ! Où les héros affrontent... des fantômes/esprits. Ceux de son propre passé ? Qui sait...



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 6 personnes aiment
Stoz & Louve_
05/01/2022


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